Les photographies de l’Ouest américain sont dans un premier temps le fruit d’expéditions à visées scientifiques. Le matériel photographique, alors lourd et encombrant, est difficile à transporter dans ces espaces reculés. Il s’agit alors de participer à des expéditions employant de nombreux spécialistes : cartographes, géologues, scientifiques divers et explorateurs. La photographie devait alors permettre d’enregistrer les lieux et n’étaient pas considérée comme un outil artistique. Cependant, ces expéditions offrirent des images impressionnante et inédites de l’Ouest qui acquirent par la suite le statut d’œuvres d’art. C’est cette acceptation, donnée par des photographes comme Ansel ADAMS ou des curateurs comme Beaumont NEWHALL, qui perdure actuellement. Les expéditions du XIXe siècle impliquaient des risques importants, partir photographier ces contrés reculées avait tout d’une aventure. Cette dimension persiste dans les projets photographiques contemporains impliquant des prises de risques et la nécessité de mettre en place des expéditions à plusieurs. C’est le cas par exemple des photographies de tempêtes de Mitch DOBROWNER (1956-).
Timothy O’SULLIVAN (1840-1882) fut d’abord connu pour ses photographies de conflits armés, prises lors de la Guerre de Sécession (1861-1865). De 1867 à 1870, il participe à une mission d’exploration conduite par le géologue Clarence KING (1842-1901), le long du 40ème parallèle, entre la Sierra Nevada et les montagnes Rocheuses. Puis, de 1871 à 1873, Timothy O’SULLIVAN photographie le territoire américain à l’ouest du 100ème méridien (méridien situé au centre des États-Unis), en particulier à l’occasion d’une expédition menée par l’explorateur George WHELLER (1842-1905). Ces expéditions sont financées par l’armée et portent aussi bien sur la géologie, que la zoologie, la topographie du territoire ainsi que sur une reconnaissance des ressources minières.
Désormais célèbres, les photographies de Timothy O’SULLIVAN avaient pour vocation initiale de faire office de relevé et d’illustration des lieux explorés. Cependant, la puissance des sujets qu’il photographie font pencher ses œuvres vers une esthétique du paysage romantique, où la nature se déploie dans toute son immensité. S’il est improbable que Timothy O’SULLIVAN ait eu vent des peintures de Caspar David FRIEDRICH – auxquelles on peut être tenté de rapproché certaines de ses photographies – les peintres de l’Hudson river School et du mouvement Luministe sont alors célèbres aux États-Unis, leurs œuvres sont imprégnées par le romantisme européen. Les images d’O’SULLIVAN oscillent donc entre deux usages, et les historiens débattent toujours pour savoir si la visée d’O’SULLIVAN était scientifique ou artistique.
Bradford WASHBURN (1910-2007) est un photographe américain, à la fois explorateur et alpiniste. Avec sa femme Barbara WAHBURN (1914-2014), ils ont ensemble exploré et cartographié l’Alaska, en particulier le parc Denali (anciennement appelé parc du Mont McKinley). Non content d’ouvrir des voies en alpinisme et de réaliser les premières ascensions de plusieurs monts en Alaska, il a également photographié les paysages à couper le souffle qu’il explorait. Il était fasciné par le Yukon et l’Alaska, Bradford WASHBURN était attiré par ce nouvel endroit où tout restait à découvrir. Il l’explora ce territoire sans relâche entre 1930 et 1955.
Les photographies de Bradford WASHBURN étaient, comme celle de Timothy O’SULLIVAN, les à-côtés d’aventures beaucoup plus importantes que la seule prise de vue. WASHBURN a par exemple pris d’énormes risques en photographiant par avion dans des conditions périlleuses. Elles avaient pour but premier de topographier les lieux. WASHBURN fait figure de pionnier dans ce domaine, utilisant son appareil photo grand format dans des aéroplanes dont les portes avaient été enlevées. Son équipement et lui-même étaient accroché par des cordes afin d’éviter d’être aspirer à l’extérieur du véhicule. Ami d’Ansel ADAMS, dont on repère l’influence, les photographies de WASHBURN sont plus que de simples outils, on décèle aisément la maîtrise technique et l’art de la composition de celui-ci. Elles sont découvertes par le monde entier en 1990, lorsque Tony DECANAES exposa le travail d’une vie à la Panopticon Gallery de Boston.
Extrêmement modeste, Bradford WASHBURN considérait avant tout son travail dans l’enseignement des sciences comme le plus passionnant : « Le sommet du Mont McKinley était exaltant […] Mais il n’y a rien de plus passionnant sur terre que les yeux excités d’un gamin au moment où il découvre quelque chose ».
Mitch DOBROWNER (1956-) est un photographe contemporain, il a reçu plusieurs prix important pour ses paysages où la nature occupe une place prépondérante. Mitch DOBROWNER parcoure les États-Unis en quête de paysages et de tornades. Les images sont si impressionnantes qu’en 2012, avant la publication des images par la revue National Geographic, l’éditeur lui demanda de voir les fichiers d’origine. Pourtant, pas le moindre photomontage. Mitch DOBROWNER brave les éléments pour réaliser ces formidables photographies. Chaque expédition est préparée, et il ne part jamais seul. Il voyage entre 10 et 15 jours, environ 3 ou 4 fois par ans, guettant les phénomènes climatiques.
Initié par le célèbre chasseur de tempête Roger HILL, Mitch DOBROWNER se passionnent pour l’aspect visuel et scientifique des tornades, supercellules orageuses et autres nuages titanesques. « Les tempêtes possèdes tellement d’aspects, de personnalités et de visages différents. Je suis en admiration lorsque je les regarde. Assister à ces instants incroyables me rend simplement heureux d’être là, photo ou pas photo » dit DOBROWNER.
L’importance qu’il donne à la prise de vue en fait, pour lui, une aventure : « toute la réalisation de la photographie me passionne. Je pense aller quelque part. Je conduis, prends l’avion, vais à l’hôtel ou campe à un endroit. Je ne sais pas ce que je vais y trouver. Je vois quelque chose, je prends une photographie, je la regarde, la note – Hey, ça semble bien. Je fais une impression, une autre qui est un peu mieux. Finalement une galerie la voit et quelqu’un l’achète pour beaucoup d’argent et c’est accroché chez eux. »